vendredi 14 février 2014

SCC2/7 - Vié ba Diamba s’est installé dans un maquis de l'Awoyo : Yankees et Chinois, enfants piailleurs et amants confits, sauce gluante à base de gombo et d'adémé

Djaba. Gîte rural de Nassogne. A quarante kilomètres de Mélo. En République d'Awoyo. Chez les Popos.

Je m'installe aussitôt dans la chambre que Gougoui m'a attribuée. Je chausse mes mapapa... qui sont désormais des « djimakpla ». 
Je sors mon kimbalangbalang de son sac… A-t-il survécu au voyage ?, et je le mets aussitôt en charge et en route. Ce kimbalangbalang qui me tient lieu, tout à la fois, de mémoire artificielle et de facteur à bicyclette… 
Je suis tout de suite rassuré : la jambe de mon pantalon ne se prend plus dans la chaîne de mon vélo et je recommence à pédaler tout à fait normalement. Mais je n'ai pas accès au réseau et la boîte de réception de ma messagerie ne contient rien de plus que quelques vieux mails pourris, non-lus ou indésirables que je traîne avec moi depuis la châtellenie d’Awel et dont je n'ai pas eu le temps de me débarrasser avant de monter précipitamment dans l’autocar-avion en partance pour Mélo... 

Aucune nouvelle de Mopoie et Bangazegino, mes amis de l'Unimak, bien sûr. Mais qu'importe ! Même à Djaba, on va continuer la lutte parce que, comme le disait un ami, Jean-Emile Caudron : "Aucune défaite n'est jamais la dernière." 
Mais surtout que La Malibran et le général*** ne se croient pas hors d’atteinte ! Ils ne le seront jamais !
Avec les mots de Werrason, je le fais savoir à chacun d’eux : « Unitil de te préparer car il sera déjà trop tard ! »

Ici donc, à Djaba, Gougoui Kangni, mon beau-père adoptif, a changé quelques-unes de ses habitudes et veut 
- Voici donc le mari préféré de ma fille préférée ! Celui dont je vous avais annoncé la venue pour la fin de l'année ! Il est venu demander l'asile en République d’Awoyo et résidera avec nous pendant quelques mois !
- Bonne arrivée, (beau-fils du) patron !

me faire connaître certains clients plus ou moins permanents du gîte rural et maquis de Nassogne qu’on ne peut pas manquer de rencontrer dans les couloirs, sur la terrasse, dans les jardins, sur les bancs ou sous les paillottes. 
Et me présenter, particulièrement, deux ou trois Yovos ! 
Je me méfie, évidemment, comme d'habitude et je me montre plutôt réservé... 

Ces quelques deux ou trois Yovos, planteurs ou usiniers, qui travaillent dans les environs de Djaba, toujours plus ou moins seuls, sans femmes visibles ni enfants dans les pattes mais avec des ordinateurs performants et de nombreux téléphones cellulaires, ne sont certainement pas les clients les plus marrants du gîte rural de Nassogne. 
Les « meilleurs » clients du gîte ce sont, de façon idéale… Mais on ne les voit pas très souvent ? Préfèrent-ils les fast-foods de Mélo ?, les familles avec plein de mômes qui viennent passer le week-end à la campagne et dont les braillards s'amusent follement à l'intérieur de la baraque : osselets, jeux de cartes, billard, puzzle, ovations, cris, disputes … Imbécile ! T'as encore placé la Mongolie à côté de la Tanzanie ! Ça rime peut-être mais ça ne colle pas vraiment !, huées, pleurnicheries, réconciliations. Et aussi dans le parc : touche-touche, cache-cache, saute-mouton, chat perché, nouvelles disputes, bagarres, clameurs, jurons, traque des poules en liberté transformées en cochons sauvages et poursuivis par Jack Merridew et sa bande de peinturlurés, mise à l'écart de Ralph et de Porcinet le lunetteux, sanglots…

Ce sont aussi les colloques, les festivals, les élections politiques et la restauration à la mi-journée des tous les agents de la « commission électorale indépendante » ayant oeuvré dans le canton, les fêtes d'entreprises, les mariages ou les anniversaires, les safaris touristiques, la mise au vert et l'entraînement aux bonnes manières des candidates au titre de Miss Awoyo : comment s’habiller pour une photo de groupe, comment ne pas se casser la gueule en marchant, comment sourire sans mordre, pourquoi ne pas s’attarder au pied d’une colonne de fourmis magnans, comment monter et descendre les escaliers...

Ce sont aussi les artistes et, plus particulièrement, mon ami Kangni Alem, l’écrivain dont la constitution physique et le RIIIR goguenard, jubilatoire et guerrier me fait immanquablement penser à un autre vieux copain du Luabongo, Sombo Dibele Awanan !

Ce sont les couples d'amoureux, plus ou moins sincères, mariés ou célibataires, veufs ou divorcés, jeunes ou vieux... Ou un mix des deux !, civils ou militaires, laïques ou religieux, légitimes ou illégitimes, libidineux ou romantiques. 
- Ceux qui raffolent de la chambre n°5 et de sa petite lampe de chevet, orange-bleue, la chambre des jeunes couples à l’esprit romanesque…
- Elle est toujours libre ?
- Plus maintenant ! C'est Vié ba Diamba qui l'occupe ! Et pour quelques mois encore !
- Et ça se passe bien ?
- A peine installé, le Vié a fait tomber la lampe de chevet et l’a « presque cassée » !

Ces clients-là sont pudiques et réservés, certes, mais aussi gastronomes. Tous, adorent la cuisine du chef et se font servir, dans leur chambre ou sous une paillote, toutes sortes de sauces et de préparations à base de pintades sauvages, de biches, d'antilopes et d'agoutis. En distinguant, parmi ceux qui sont portés sur la bonne chère, ceux qui mangent avant de faire la chose et ceux qui reprennent des forces après. Au gîte rural de Nassogne, la saison de la chasse et des amours (les feux de brousse, les braconniers, les coups de fusil…), c’est toute l’année et ces clients-là, on ne peut pas les cacher… même s'ils se montrent plutôt discrets. Ce sont, en général, des gens de la ville, de Mélo, venus passer le week-end à la campagne… 

Le gîte rural de Nassogne, c'est aussi parfois, une petite clientèle de prétendus « experts » d'organisations internationales, de membres du personnel d'ONG de « bienfaisance » ou de « solidarité », de représentants de « donateurs officiels » et de nombreux autres «philanthropes» et « amoureux de l'Afrique en général et de la République d'Awoyo en particulier»... Parmi lesquels figure évidemment un couple de missionnaires américains, fils et fille de modestes cultivateurs d'un coin perdu du Kentucky : des gens simples et déterminés qui sont venus accomplir «le travail de Dieu », labourer les cerveaux et mélanger des produits de leur composition à la terre végétale locale de façon à créer un climat favorable à l'action rédemptrice des bons apôtres du FMI, de la Banque mondiale et d'autres organisations, telles que l'Union européenne, qui partagent la même croyance dans le système du Marché mondialisé.
Et qui viennent régulièrement, entre deux missions d’évangélisation, se taper leur poulet-frites au gîte rural de Nassogne
- Big-Mac, portion de frites et Coca ?
- Poulet-coke-frites ! Comme au Kentucky ! Mais cessez donc de vous moquer de l'Amérique ! Craignez la puissance du Seigneur ! Offrez-lui des sacrifices ! Craignez la colère de la Bourse de New York !
- Amen ! Et de celle de Frankfort aussi ? 
- O Yeeeeeees ! Craignez la colère de la Bourse de New York et l'exaspération de celle de Frankfort, capitale de l'État du Kentucky ! Et la violence des agences de la Federal National Bank et de la Condon Bank de Coffeyville (Kansas) !
- Ces banques-là où même les frères Dalton ne sont pas parvenus à ouvrir un compte ? Malgré les nombreux arguments qu’ils avaient déployés dans toute la ville ?
- O Yeeeeeees ! Partagez la sainte foi des affaires ! Que le Tout-Puissant Marché vous accorde sa protection ! 
- Amen !
- Restez à l'écoute du Tout-Puissant Marché !
- Amen ! 
- Partagez la sainte foi des affaires ! 
- Amen !
- Que le Tout-Puissant Marché vous accorde sa protection ! Que le Tout-Puissant Marché vous assiste jour et nuit dans vos entreprises en vue d'un rendement toujours meilleur !
- Amen !
- Croyez au Tout-Puissant Marché ! Croyez en sa parole et en ses prophètes ! Craignez les institutions de Bretton Woods et les Bourse de New York et de Frankfort, capitale de l'État du Kentucky !
- Amen ! Admirons aussi la montée en puissance des places financières asiatiques ? Préparez-nous à leur faire (aussi) allégeance ?


Ben oui, le monde est en train de changer d'axe !
C’est ainsi que, derniers temps, on voit parfois apparaître au gîte rural de Nassogne quelques clients chinois : des ingénieurs ou des techniciens qui ne prétendent pas être des bienfaiteurs, qui ne se présentent pas 
- Les Chinois sont-ils des Yovos ?
- Non, ce sont des Chinois !

comme des donateurs, des mécènes ou quoi que ce soit de poisseux ou de gluant mais qui font du business et travaillent… Ou qui font trimer des ouvriers recrutés sur place !, durement et jamais gratuitement, sur l’un ou l’autre gros chantier d'infrastructures routières. 
En République d'Awoyo comme en République autocratique du Luabongo, le monde a déjà changé d'axe. Et d'ailleurs mon beau-père dont le genou gauche est très enflé et que les médecins de Montreuil ou de Saint-Malo ne sont pas parvenus à guérir, se soigne désormais avec des médicaments chinois, non ?

Ceci dit, depuis qu'il a été amené à changer d'habitudes et, pour partie, de clientèle, Gougoui Kangni mange, le plus souvent, tout seul dans sa chambre. 
Pour échapper à qui ? Aux Yovos usiniers ou pasteurs, aux enfants piailleurs et à leurs parents, aux amants ? 
Et Gougoui, mon beau-père... « Si tu veux manger dans ta chambre, on peut t'installer une petite table aussi ! » me propose de faire de même.
- Qu’est-ce que tu me proposes, Gougoui ? Un repas de jour de fête ? Du foufou d'ignames avec une sauce graine "dékoudéssi" ? Du gari avec une sauce « royale » (bœuf, crabe, crevettes et poisson fumé mélangés) préparée avec des graines de courge et de l'huile de palme, le plat d'honneur, le plat de prédilection de ma femme mariée (dont je reste le mari préféré) ?
- Qu’est-ce que tu racontes, oh ! Si ta femme mariée t'entendait ! Tu veux donc que je me fasse engueuler par ma fille ? 
- Oui mais quoi alors ? Naza na nzala moyen te !
- Les graines et l'huile de palme t'étant formellement interdits, je te proposerai plutôt une sauce gluante à base de gombo et d'adémé ! Avec du poisson fumé ! Ou même du pilchard en boîte, si tu préfères ça, c'est plus facile à mordre, non ?


Tadam tadaaam ! Batterie, tambours, trompettes et saxophones ! Guitares solos, guitares rythmiques et guitares basses ! Verckys vole comme un papillon et pique comme une abeille ! Franco attaaaque ! Bassines et casseroles, gongs et maracas, bouteilles de Mongonzo, klaxons, sifflets et sonnettes de vélo! Simaro Massiya Lutumba perpétue ! Zaïko Langa Langa, Papa Wemba, Evoloko Joker, Pépé Kallé, King Kester Emeneya, Werrason, JB Mpiana, Ferré Gola, Fally Ipupa et de nouveau Zaïko Langa Langa assurent ou disparaissent ! Cris des atalakus ! Ah tala ku, tala ku mama, zekete zekete ! Course au pouvoir, Mbiri-Mbiri, Kwiti-Kwiti, Nzinzi et Diarrhée verbale ! Vimba Vimba ! Mama Siska ye wana ! Ya Mado ! Djuna Djanana a pris du champ mais Sexion d'Assaut et Maître Gims (alias Gandhi Djuna) sont désormais
- Des fois j'fais des choses que j'contrôle pas ! 
passés à l'offensive !
Bousculades à l'entrée et bagarres à la sortie du stade ! Explosion de pralines fourrées à la boule puante et lancer de cacas Molotov ! On va RIIIR ? 

On attend toujours de RIIIR. 
Et je me prépare une bonne petite dépression... qui n'échappera pas à l'oeil vigilant d'Antoinette Safu Mbakata, alias Mère Anto !





Ndlr : Vous êtes perdu(e)s ?
Et vous vous demandez où trouver un plan de la ville, un menu de la semaine ou une table des matières quelconque… et comment avoir accès à chacune des différentes séries de séquences du buku « sorciers, services et crapuleux » ?
Problème ezali te, cliquez sur : http://sosecra.blogspot.be/






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