vendredi 14 février 2014

SCC2/9 : D'Awel à Djaba ... Je rêve, je lis et j'écris de travers, dans le désordre et dans la confusion. Et déjà ma femme mariée s'impatiente : "J'attends toujours de RIIIR !"



Awel.
Il ne fait même pas froid dans la Châtellenie, cet hiver. 
Ma petite chérie aux chairs sucrées-salées ne se gèle pas les pieds sous trois chaussettes de laine en jouant au scrabble contre elle-même dans la salle à manger de la rue Maes. 
La bière ne se solidifie pas dans les verres et dans les grandes bouteilles de Mongonzo
Tout somnole, tout simplement.

Awel.
Les fourmis dorment, engourdies, au plus profond des fourmilières. Les lombrics, les scarabées et les grillons aussi. Les hérissons, les couleuvres et les vipères aussi. Les racines des plantes
et des arbres somnolent, chuchotent, méditent. Les pommes de terre, les betteraves, l'ail et les oignons (et même les oignons sauvages qui se cachent sous des buissons, près des voies de chemin de fer, à l'abri des prédateurs) vivent sur leurs réserves.
Les coquillages des plages se sont enterrés dans le sable. Les loirs se sont barricadés à l'intérieur d'un arbre creux. Les écureuils ont calfeutré leurs nids.

Awel.
Les abeilles montent toujours la garde (elle ne sortent plus comme avant mais continuent de s'agiter dans la ruche et y effectuent quelques menus travaux d'aménagement interne) et ma petite chérie, dont les mamelles ont le goût acidulé du lait de brebis, gouverne la maison, veille aux approvisionnement, engrange les moissons, négocie des traités de commerce et d'alliance avec nos plus proches voisins ou leur déclare la guerre s'ils deviennent trop encombrants, arrange des différends, entend des requêtes, fait l'aumône, rend la justice, répond 
 - Cesse d'appuyer sur le bouton, Loïle ! Lâche-le !
- J'peux pas, Muka ! C'est collé !

aux coups de sonnette (ou n'y répond pas), de téléphone (ou n'y répond pas) et au courrier (ou n'y répond pas), paie les factures, fait réparer les murs d'enceinte qui commençaient à s'écrouler et remplacer la fenêtre de la chambre arrière du premier étage qui ne se refermait plus correctement depuis de nombreux hivers, accueille les visiteurs, adopte et nourrit un pigeon du quartier, terrorise ses locataires, organise des tournois de scrabble et des dîners de connes presque parfaits oblige les gens à se lever après leur avoir servi le dessert, le café... et même des chatteries, des culs de bourdon, des gourmandises et des pralines au tangawisi, au pili-pili ou au cut mango pickle (South Indian Style), à la boule puante et à la gélignite, (conçues et fabriquées par Monik Dierckx, la divine chocolatière de la rue Gaucheret), empile les chaises sur la table à présent desservie, pousse celle-ci contre le mur et invite tout le monde à danser danser danser toute la nuit devant le miroir de la salle à manger, éloigne au petit matin les animaux que la faim a poussé hors de la forêt et après avoir rebouché vaille que vaille les sacs de détritus éventrés maladroitement (au grand dam d'Odyssée) par un corbeau anosmique et un renard agomphe (lesquels ne pouvaient pas se sentir et n'auraient jamais imaginé pouvoir, un jour, faire alliance), veille et repose sous sa couette, satisfaite, peinarde, souveraine, autarcique, en regardant…
- Jalousie à bas ! Et la whonte soit sur toi qui es parti mener tes aventures de hibou à oreilles de chat  ailleurs ! Et qui as fui avec les cigognes et les hirondelles en abandonnant la rue Maes et ta femme mariée !
des comédies romantiques, des séries policières et des émissions culinaires à la télévision…
- Ben quoi, petite chérie, tu aurais préféré je me retire au fond de ma coquille et que j'en referme l'ouverture avec une lame de mucus desséché ? Et que j’hiberne sous la couette en attendant la fin de la saison froide ?

Djaba.
L’année va sur sa fin et l'harmattan commence à souffler, les troupeaux descendent vers le sud et tout somnole aussi.
A cause de la sécheresse, de la poussière et de la chaleur.
Sauf les fourmis « magnans », les fourmis légionnaires, qui, contrairement à leurs consoeurs de châtellenie d’Awel ou du Royaume de Jupiler, sont toujours en plein forme, ont un carnet de commandes bien rempli et débordent d'activités.
Sauf les chasseurs d'agoutis, toujours à l'affût et les éperviers qui guettent les poussins égarés.

Djaba.
Plusieurs jours déjà… Et bientôt deux semaines ?
Passés à ne rien faire. Je dors toute la journée (et une bonne partie de la nuit aussi), je lis (au moins) deux ou trois bukus par jour. Je lis et je relis compulsivement tous les bukus de la bibliothèque-WC et galerie d'art du gîte rural de Nassogne… Une bibliothèque-WC avec, en face de la cuvette des toilettes, une grande fresque murale signée Djuna et co-signée par Difan, son assistante, représentant Gougoui Kangni assis sur un privé et disant ses matines...
Je lis et je relis tout. Je lis plusieurs bukus en même temps et j’en viens à  mixer l'Hôtel-Dieu de Patrick Süskind et le Cottalengo d'Italo Calvino...
Je lis comme si j'étais taulard…
Je lis comme si j’avais quinze ans et que je passais toutes mes vacances à l'internat, seul, pendant des semaines et des mois, attendant la rentrée …
Terrifié à l'idée que, faute de pensionnaires, la prison et l'internat puissent fermer leurs portes et que je sois obligé de retourner vivre en famille...
Je lis avec fébrilité, comme un poule d’appartement,  privée d’adipeux lombrics, s'empare avec frénésie d'un ciboire d'hosties émiettées ou d'un cendrier de vieux mégots et de pacsons d'héroïne et tacatacatac en picore et tacatacatac en becquette tout le contenu à la mitraillette 
Je lis, je lis, je lis... et je suis toujours sans nouvelles de Mopoie et de Bangazegino... et des idées débiles et des films stupides me passent par la tête... et je ne les chasse même pas.

Djaba.
Déjà le bus 71 me manque… dans lequel  je monte en somnolant à la hauteur de l’ULB…
Et je m’assieds  en bâillant juste à côté de la porte centrale, celle qui est accessible aux personnes handicapées, côté fenêtre. Une demoiselle... Cette jeune personne ne portait qu’un seul pagne, oh !, monte dans le bus quelques arrêts plus loin, à la place Flagey ou à la place Fernand Cock.
Elle a une longue chevelure relevée en chignon, à l’ancienne, elle s'…
- La place est libre?
installe à côté de moi et se met à croquer une pomme ou une barre de chocolat aux noisettes et nos regards 
(je n’ai jamais rougi aussi rapidement) se croisent et…
- T'en veux un bout ?
et je me retiens difficilement de lui passer la main dans les cheveux, de lui masser…
- Oh ! s'insurge ma femme mariée... Toi qui n'as jamais voulu me mettre de la crème dans le dos ! Et maintenant que je ne suis plus là pour contrôler ton sommeil , tu te lances dans des rêves érotiques avec n’importe quelle ndumba ou achao ramassée dans les transports en commun ! Et qui ne me ressemble même pas, oh !
les épaules, de lui effleurer les seins et je me sens défaillir et
- Excusez-moi…
ma tête glisse sur son épaule et je lui demande, en miaulant, de bien vouloir
- Si ça peut t'faire plaisir, mec!
me réveiller à l’arrêt Gare Centrale et quand je reprends connaissance, quelques embouteillages et une demi-heure plus tard, elle a disparu et je me retrouve, au terminus de la ligne, du côté de la place de Brouckère et…
- Vous n’allez quand même pas m’accuser ? s’indigne le chauffeur du bus...
mon portefeuille ne se trouve plus dans la poche intérieure de mon blouson...

Djaba.
Je ne brasille pas, je n'irradie pas, je régresse, je rêve de travers, je décline et je dépéris... et je vais bientôt tomber en panne de lecture et je devrai me farcir, pour la troisième ou quatrième fois... Avec toujours avec le même plaisir !, « Cola cola jazz » et « La gazelle s'agenouille pour pleurer» de Kangni Alem, les « Mathématiques luabongaises » d'In Koli Jean Bofane , « Place des fêtes » de Sami Tchak, « Le Zéhéros n'est pas n'importe qui » de Williams Sassine, « La cuisine molle pour édentés » de Michel Dehoux et Jean-Pierre Jacquemin (ouvrage déjà oublié mais que je devrais peut-être réactiver), « Yaba Terminus » d'Achille F. Ngoye…
Je n’ai pas le moral, je n'ai pas envie (cela devient de plus en plus fastidieux et ça me fatiiiiiiigue) d'écrire et de RIIIR alors que je ne sais pas faire grand-chose d’autre !
Et je ne suis même pas capable de me mettre à... calculer pour me changer les idées et je déprime infiniment de ne pas avoir ma femme mariée (qui me harcèle et …
- Aujourd'hui tu me détestes, Douchka !
- Meuuuunon, petite chérie ! Jamais ! Même quand tu m'emmerdes infiniment !

me dispute et me fait chicane et que j’adooore) à mes côtés


Djaba.
Je lis et je relis (trop, tout le temps, n’importe quoi), j’écris et je corrige...
J'écris, j'écris, j'écris dans le brouillard, des messages que je corrige, envoie, tripote, brutalise et remanie, renvoie, charcute, restaure, renvoie, fouette ou tempère et que j'envoie de nouveau et que je retouche et renvoie encore et toujours, inlassablement et sans arrêter et dont je dois bien constater qu'ils ne quittent jamais ma boîte d'envoi et n'arrivent jamais à destination, n'arrivent jamais à destination, n'arrivent jamais à destination, n'arrivent jamais à destination...
Pas même moyen de contacter Mopoie et Bangazegino et de prendre de leurs nouvelles, ni d'envoyer un mail à Kangni Alem pour le remercier…
- Je ne sais comment te remercier !
- Moi, je sais...
- J'espère bien que…
- Que quoi ?
- Que tu ne comptes pas sur moi pour…
- Tu verras !
Informé de la situation, Gougoui me refile le numéro de téléphone de Gbedjeha K. Agbenyo, alias Hervé, son ami informaticien mais mais je n'arrive pas à l'atteindre. 
Décidément ce nouveau séjour au maquis de Djaba ne se présente pas sous les meilleurs auspices 
J'ai l'impression que je régresse, que je m’éloigne de tout le monde (de ma femme mariée, de mes lifanto, de mes amis sociétaires de l’Université libre de Makala et de Gougoui lui-même) et de partout (aussi bien de la châtellenie d’Awel que de la République autocratique du Lotoko) que je décline et que je dépéris...
L’idée de devoir me lever chaque matin et de devoir m’asseoir devant ma table... avec une nouvelle séquence à écrire et àessayer de faire RIIIR ne me réjouit guère... et me fait déjà  très mal aux fesses…

Tadam tadaaam ! Batterie, tambours, trompettes et saxophones ! Guitares solos, guitares rythmiques et guitares basses ! Verckys vole comme un papillon et pique comme une abeille ! Franco attaaaque ! Bassines et casseroles, gongs et maracas, bouteilles de Mongonzo, klaxons, sifflets et sonnettes de vélo! Simaro Massiya Lutumba perpétue ! Zaïko Langa Langa, Papa Wemba, Evoloko Joker, Pépé Kallé, King Kester Emeneya, Werrason, JB Mpiana, Ferré Gola, Fally Ipupa et de nouveau Zaïko Langa Langa assurent ou disparaissent ! Cris des atalakus !  Ah tala ku, tala ku mama, zekete zekete ! Course au pouvoir, Mbiri-Mbiri, Kwiti-Kwiti, Nzinzi et Diarrhée verbale ! Vimba Vimba ! Mama Siska ye wana ! Ya Mado !  Djuna Djanana a pris du champ mais Sexion d'Assaut et Maître Gims (alias Gandhi Djuna) sont désormais
- Des fois j'fais des choses que j'contrôle pas !
passés à l'offensive !
Bousculades à l'entrée et bagarres à la sortie du stade ! Explosion de pralines fourrées à la boule puante et lancer de cacas Molotov ! On va RIIIR ?

Awel.
Déjà ma femme mariée s'impatiente : « Tu me dis qu'on va RIIIR ? Comment ça ? J'attends toujours ! »
Et elle me secoue, me bouscule et menace de souffleter avec son éventail  (et me balance quelques mots bien frappés... qu’elle a sûrement dû piquer à notre ami Chéri Samba)  : « Ressaisis-toi, Douchka ! Prends tes médicaments et reprends-toi ! J’attends toujours de RIIIRet je me demande combien de temps il me faudra encore pour attendre ici…  avant que ton roman à la con (qui se traîne et qui se traîne et qui n'arrête pas de se traîner) me fasse RIIIR enfin ? » 



Ndlr : Vous êtes perdu(e)s ?
Et vous vous demandez où trouver un plan de la ville, un menu de la semaine ou une table des matières quelconque… et comment avoir accès à chacune des différentes séries de séquences du buku « sorciers, services et crapuleux » ?
Problème ezali te, cliquez sur : http://sosecra.blogspot.be/







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